Pourquoi les hackathons doivent exiger du logiciel libre
par Richard StallmanLes hackathons sont une méthode reconnue pour donner au développement de projets numériques le soutien d'une communauté. Cette dernière invite les développeurs à se joindre à un événement qui offre une ambiance stimulante, quelques ressources pratiques et l'opportunité de travailler sur des projets utiles. La plupart des hackathons choisissent les projets qu'ils soutiennent, sur la base de critères bien définis.
Les hackathons s'accordent avec un esprit de communauté dans lequel les gens ont une attitude de coopération et de respect des autres. Le logiciel qui va avec cet esprit est le logiciel libre. Chaque logiciel libre a une licence qui donne à ses utilisateurs (ce qui inclut les programmeurs) la liberté de coopérer. En cela, les hackathons se justifient dans la communauté du logiciel libre. Les projets travaillant sur des plans de matériel peuvent et doivent aussi être libres.
Le respect de la liberté ne peut être pris comme acquis. Au contraire, nous sommes entourés d'entreprises qui, sans honte, publient du logiciel privateur (de libertés), uniquement à l'usage de ceux qui succombent à leur pouvoir. Ces entreprises développent du logiciel comme moyen de domination et de contrôle des autres.
Le succès nuisible de ces entreprises incite de jeunes développeurs à suivre leur exemple en développant leurs propres programmes ou plans de matériel pour dominer les utilisateurs. Ils amènent parfois leurs projets à des hackathons, sollicitant l'aide de la communauté tout en refusant son esprit : ils n'ont aucune intention de coopérer en retour de la coopération dont ils bénéficient. Les hackathons qui acceptent cela sapent l'esprit de communauté sur lequel ils se basent.
Certains hackathons pervers sont spécifiquement destinés à aider l'informatique de certaines entreprises (par exemple des banques européennes et canadiennes, ou encore Expedia). Bien qu'elles ne l'affirment pas explicitement, leurs annonces donnent l'impression que leur but est le développement de certains logiciels non libres et que les participants sont censés aider ces projets non philanthropiques.
Ces exemples montrent jusqu'où les hackathons peuvent descendre s'ils s'engagent sur cette pente glissante. Retournons au cas plus courant d'un hackathon qui n'est pas spécifiquement commercial, mais accepte des projets privateurs.
Quand un développeur apporte un projet à un hackathon et ne dit pas s'il sera libre, il ne se met pas en opposition manifeste avec l'esprit de communauté, cependant il le sape. Les hackathons devraient renforcer l'esprit de communauté sur lequel ils se basent, en exigeant que les projets s'engagent à publier d'une façon qui soit en accord avec cet esprit.
Cela implique de dire aux développeurs : « Pour que tu mérites notre soutien et notre aide, tu dois accepter de donner à la communauté le droit d'utiliser librement les résultats de ton projet, si un jour tu les considères assez bons pour être utilisés ou publiés. »
En tant que simple participant à un hackathon, vous pouvez donner votre soutien à ce principe : avant de rejoindre un projet, demandez : « Sous quelle licence allez-vous publier ? Je veux être sûr que cela va être libre avant de me joindre au développement. » Si les développeurs du projet disent qu'ils choisiront la licence plus tard, vous pouvez répondre que vous déciderez plus tard si vous participerez. Ne soyez pas timides ; si d'autres entendent cette discussion, il se peut qu'ils décident de suivre le même chemin.
Pour voir quelles licences sont libres, vous pouvez consulter la liste de licences publiée par le projet GNU. La plupart des licences « open source » sont libres, mais quelques-unes sont non libres parce que trop restrictives.
La fermeté des individus a un certain effet, mais une règle du hackathon lui-même sera plus efficace. Les hackathons devraient demander à chaque projet participant de s'engager à suivre cette règle :
Si jamais vous publiez ou utilisez ce code ou ce plan, vous publierez les sources correspondantes sous une licence libre. Si vous distribuez le code sous une forme exécutable, vous le rendrez libre également.
Beaucoup de hackathons sont sponsorisés ou hébergés par des écoles, ce qui leur donne une raison de plus de suivre cette règle. Le logiciel libre est une contribution au savoir commun, tandis que le logiciel non libre refuse le savoir au public. Par conséquent, le logiciel libre est en cohérence avec l'esprit d'éducation, tandis que le logiciel privateur s'y oppose. Les écoles doivent exiger que tous leurs développements logiciels soient du logiciel libre, y compris ceux que les hackathons accompagnent.